Technologie en aquaponie: low-tech ou high-tech?

J’ai assisté à une table ronde sur les niveaux de technologie nécessaires en aquaponie, lors du salon de l’aquaponie organisé à Louverné en Mayenne en octobre 2020. Intéressant, surtout pour les porteurs de projets professionnels.

L’espace « Aquaponia », à découvrir sur le site Echologia en Mayenne

e premier salon de l’aquaponie s’est déroulé à Louverné en Mayenne sur le site Echologia (voir compte rendu sur le site web dédié). Ce site est remarquable pour sa biodiversité, son histoire (installé au milieu d’anciens fours à chaux ), ses capacités d’accueil diversifiées et dépaysantes, sa philosophie participative et sa créativité permanente autour du thème du jardin (les jardins en permaculture, les jardins aquaponiques et bientôt « les jardins de Babylone »!). Le site est tout a fait adapté pour l’accueil de séminaires sur plusieurs journées.

Une petite  partie du site Echlogia, vue du sommet d'un des fours à chaux. A gauche la serre aquaponique et la zone de reproduction des saumons de fontaine.
Une petite partie du site Echlogia, vue du sommet d’un des fours à chaux. A gauche la serre aquaponique et la zone de reproduction des saumons de fontaine.

Ce site a une particularité. Il présente une diversité de systèmes aquaponiques sur un parcours de plusieurs hectares, nommé Aquaponia. C’est donc ce riche support de formation qui a servi d’écrin au premier salon de l’aquaponie en France, du 9 au 11 octobre 2020. Pendant ce salon, ouvert aux professionnels et pour partie aux particuliers, une table ronde sur le thème « quelle technologie en aquaponie ? (high-tech ou low-tech) » a attiré mon attention. Plutôt destinée aux aquaponistes professionnels, elle fournit cependant des pistes de réflexion intéressantes en aquaponie domestique.

Le niveau de technologie injecté dans un système est graduel

Les concepts de low-tech et de high-tech ne rendent pas compte de la réalité. La technologie injectée dans les systèmes est graduelle, en combinaisons variées, et presque sans limite. Dés lors, le rangement sous deux catégories est impossible.

Commençons par le « zéro-tech » : des poissons élevés dans leur milieu naturel et des cultures sur sol à proximité. Les chinampas et les rizières poissonneuses d’Asie illustrent cette catégorie. Le premier saut technologique commence avec l’ajout d’une pompe pour faire circuler l’eau. Viennent ensuite la pompe à air, les filtres mécaniques et le biofiltre. Cette configuration de premier niveau est souvent assimilée au « low-tech » et concerne une majorité d’aquaponistes non professionnels.

Puis le système peut s’enrichir en technologies variées:
– Côté poissons, on trouvera les outils pour la distribution d’aliment automatique, les traitements sanitaires, préventifs ou curatif, les outils de manipulation et de tri du poissons, les outils automatiques pour l’abattage, le conditionnement, la transformation du poisson,…
– Côté eau, on trouve les système de chauffage ou de refroidissement, les outils de régulation du PH, la batteries de sondes pour la surveillance des paramètres de l’eau, les automates de régulation, les filtres à tambour, les filtres UV, la surveillance automatique de tous ces paramètres avec système d’alerte,…
– Pour les déchets, on trouve l’adjonction de bactéries, le traitement des boues, la minéralisation de la MO, la surveillance de la dénitrification, …
– Pour la culture, on a les serres, la gestion automatique du climat, l’éclairage complémentaire, les cultures verticales, l’injection de CO2, la complémentation de la solution nutritive dans les systèmes découplés, l’aéroponie, la récolte automatique, le conditionnement automatique, l’utilisation de méthode de lutte biologique, …

Chaque technologie doit être rentable, vivable et durable

Les intervenants ont rappelé que le premier critère pour adopter une technologie est sa rentabilité. Les contraintes qui pèsent sur l’entreprise peuvent décider de certains équipements dans un cas et pas dans l’autre. Par exemple, une entreprise aquaponique sur 10 000 m2 employant 10 personnes va rechercher ce qui permet d’économiser du temps de travail. La récolte automatique des légumes sera une option potentiellement rentable. Ce qui ne sera pas le cas sur une entreprise sur 1000 m2 faisant vivre deux dirigeants.

En revanche une unité de 1000 m2 pilotée à deux personnes doit être vivable et 12 heures de travail par jour, sept jours sur 7 n’est pas tenable. Certains équipements bien que non rentables, sont nécessaires pour assurer la pérennité des travailleurs. En aquaponie domestique, c’est le cas typique de la fabrication locale d’aliment à base d’insectes : très consommateur en temps sans équipements adaptés; ce qui conduit au final a obtenir un aliment plus cher que celui du commerce.

Enfin les technologies adoptées doivent être durables pour être acceptées par le consommateur. La consommation en eau neuve, la consommation énergétique, la capacité à recycler les matériaux utilisés, l’absence de nuisibilité à la biodiversité locale ou plus lointaine sont autant de points à intégrer dans la réflexion lors de l’adoption d’une nouvelle technologie. Beaucoup de systèmes domestiques négligent ces critères et sont gourmands en eau neuve , en énergie ou en produits inadaptés.

Les trois pieds pour une aquaponie durable: viable, vivable et équitable.
Les trois pieds pour une aquaponie durable: viable, vivable et équitable.

Communiquer pour donner confiance aux clients

Par nature, le client final se méfie de la technologie et des gros systèmes : « small is beautiful ». La communication devra mettre en avant tous les points positifs du système et montrer que dans une approche bénéfice-risque, le bénéfice l’emporte largement sur les risques, un système zéro risque n’existant pas. Ainsi un système couplé mettra en avant l’impossibilité technique de rajouter des antibiotiques ou des engrais solubles. Et un système découplé très avancé sur la lutte biologique insistera sur ce dernier point et parlera moins des techniques du pilotage découplé.

Maîtriser la croissance de l’installation aquaponique

Un aquaponiste professionnel présente sa stratégie de croissance. Il est en passe d’atteindre un équilibre financier pour faire vivre deux personnes. Cela grâce à une vente de toute la production en circuits courts et à des prix élevés. Or ce marché de niche n’est pas extensible à l’infini. Si l’étude de marché a été bien faite, l’unité de production trouve un équilibre entre dimension de l’outil, main d’oeuvre disponible, trésorerie disponible et nombre de clients. Supposons la clientèle potentielle locale complètement captée. Toute croissance de la production devra alors être écoulée sur des marchés de gros, à un prix très nettement inférieur. Et pour des volumes conséquents : pas question d’écouler en gros, uniquement les surplus. Il y a alors inversion totale du projet avec 80 à90 % de la production orientée grossistes et le reste en circuit court. Tous les équilibres sont chamboulés, avec des risques de naufrage lors de ces changements. Il faut donc y regarder à deux fois avant de décider d’augmenter la production.

Un signe de reconnaissance pour les produits issus de l’aquaponie

Dans les conclusions du débat, un participant espère la constitution d’une filière forte, voire d’un syndicat, pour porter un projet de reconnaissance de la qualité des produits issus de l’aquaponie. Ceci afin de mieux valoriser les produits et atteindre plus facilement un équilibre économique.

6 Comments

  1. Richard Dittmer

    merci pour ce résumé de cette table ronde à laquelle je n’ai pu participé. J’étais en effet sur le stand FFDA à ce moment-là…
    J’aurais beaucoup aimé vous rencontrer si j’avais su votre venue. Une prochaine fois certainement!

    • jcgoudeau

      Merci pour le retour. Il faut dire qu’avec les masques pour la prévention de la COVID, pas facile de se reconnaître sur le salon!

  2. Guillaume

    Bonjour,

    si, pour un non pro, il est impossible de choisir entre la respectabilité environnementale et l’équilibre économique, seule l’aquaponie durable est possible.

    Il y a des coûts fixes de départ incontournables correspondants aux différents investissements. La rentabilité qui se calcule ensuite se rapporte alors surtout aux coûts variables (énergies, alimentation des poissons, main d’oeuvre …), que ces coûts se payent en euros ou en temps.

    Le high-tech a-t-il alors sa place? Je pense qu’il l’a à une condition:
    – que son surcoût d’investissement permette d’économiser autant de frais variables (en euros et en temps)
    – qu’il permette à l’aquaponie domestique de rester un loisir, une source d’épanouissement personnel (satisfaction vs charge de travail ou tracas supplémentaires),
    – que le renoncement au high-tech puisse toujours être possible (que le développement technologique n’implique pas une dépendance pouvant mettre le système domestique par terre, car dans la vraie vie, le high-tech ça tombe aussi en panne).

    Merci 1000 fois pour tous ces articles d’une richesse inégalée,

    Guillaume

    • jcgoudeau

      Guillaume, merci pour ce commentaire. Je partage l’approche.

  3. Vincent Dupont

    Merci pour le partage !
    Il est certain que cette réflexion est plus utile pour les pros, mais cela reste intéressant pour les non-pros.

    A titre privé (non pro) j’aimerais garder le principe « simple et pas cher », mais je suis tout de même souvent tenté par la technologie ;-).

    Mes priorités sont surtout de réduire les pertes (batteries, système résistant) et de réduire ma charge de travail (détection automatique du PH et de la température, distributeur de nourriture). Je suis donc plutot dans la Vivabilité (mon confort) que dans la Viabilité (économique)

    😉

    savez-vous si il y a des notes ou vidéos de ces journées?

    a bientôt
    Vincent

    • jcgoudeau

      Bonjour Vincent, oui une compilation des conférences est prévue. Je rajouterai le lien dès que les organisateurs l’auront mis en ligne.

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