L’augmentation du tarif électrique et les risques de coupures d’alimentation menacent les systèmes aquaponiques. Concevoir des systèmes domestiques avec une unique pompe à air est une piste à explorer. Et si possible en utilisant une pompe à air avec batterie de secours intégrée, procurant une autonomie de plusieurs heures. Voici un retour sur la réalisation d’un module aquaponique on ne peut plus simple. Ce système permet l’élevage des salmonidés, avec une production de légumes associée. Il est aisé à construire, bon marché, simple à comprendre, économe en énergie, protégé des coupures électriques, stable thermiquement et nécessitant très peu d’entretien.
Le principe est illustré dans cet article avec un bassin de 70 litres tout enterré, qui fonctionne depuis deux ans. Au delà de cette version d’étude, la production significative de salmonidés commence avec des bassins de 300 litres, ou mieux, de 500 litres à 1000 litres. T’air eau propose une version très proche avec un bassin de 500 litres également enterré.


Un module avec bassin et bac de culture au même niveau
Le bassin à poissons et le bac de culture sont enterrés. Les bords supérieurs des deux éléments sont placés sur le même plan horizontal. Cette horizontalité ne doit pas se modifier lors du remplissage du bassin et du bac de culture.



Une seule pompe à air, pas de pompe à eau
La suppression de la pompe à eau et la conservation d’une unique pompe à air réduit la consommation d’énergie. L’eau circule grâce à un airlift alimenté en grosses bulles. Et l’aération provient d’un bulleur ou d’un second airlift alimenté avec de petites bulles pour améliorer le transfert de l’oxygène de l’air vers l’eau.
Le calcul de l’airlift dédié à la circulation de l’eau utilise un simulateur. Ce qui donne approximativement : 25 mm pour un bassin de 70 litres, 63 mm pour un bassin de 500 litres, 80 mm pour un bassin de 1000 litres. Le sommet de l’airlift affleure au niveau du miroir d’eau. Nous obtenons donc un airlift totalement immergé.
Ainsi un airlift de 30 cm, avec un diamètre de 22 mm intérieur, avec un débit d’air injecté de 65 litres par heure, débite 380 litres d’eau par heure en sortie d’airlift. Compte tenu des freins à l’écoulement (coudes, filtre à filet, filtre à graviers, graviers du bac de culture), ce débit en sortie de bac de culture est divisé par 2, soit 180 litres/heure correspondant à deux bassins et demi par heure. Ce qui laisse de la marge pour une baisse de débit liée à l’évaporation de l’eau ou à l’encrassement des filtres.

circulation et aération


avec 9 heures d’autonomie
Mesurer un débit d’eau sous le miroir d’eau
Un petit montage permet de mesurer le débit d’un tuyau totalement immergé. Un sac plastique est collé autour d’un tuyau adaptable sur la sortie d’eau à mesurer. Le tuyau est prolongé à l’intérieur du sac par un dispositif qui évite la réduction du débit par le sac lui même (ici un goulot de bouteille plastique). Le sac est fermé partiellement avec du ruban adhésif afin d’empêcher une entrée d’eau externe. La partie non fermée permet à l’air de s’échapper au fur et à mesure du remplissage. Le volume d’eau est collecté pendant un temps donné, puis mesuré. On en déduit un débit horaire.



Des filtres pour éviter l’encrassement du biofiltre
Deux filtres permettent de capter les fèces solides. Un lombrifiltre immergé constitué de filets, héberge une population de vers de compost. Ainsi le nettoyage de ce lombrifitre se raréfie, une fois l’équilibre atteint. Un filtre à petits graviers (4-8 mm) complète le dispositif de filtration et sert de témoin pour vérifier l’efficacité du filtre à filets. Pour les plus gros systèmes, les résidus de boues sont minéralisés dans un fût à part avec réintroduction du surnageant dans le système (vidéo Chris Pagns).



Un biofiltre à l’économie
Le plus simple est de remplir le bac de culture avec des billes d’argile. Mais c’est aussi le choix le plus coûteux (0.30 € par litre). Des graviers non calcaire 6-10 mm sont une solution de remplacement (0.05 € par litre). Prévoir un volume d’au moins 30 % du bassin, et jusqu’à 100%. Pour une aquaponie à dominante piscicole, opter pour un biofiltre profond (exemple de T’air eau). Pour une installation équilibrée entre compartiments poisson et culture, installer des bacs de 25 à 30 cm de profondeur sur une surface adaptée à la ration journalière des poissons (RTA de 25 g d’aliment truite par m2 de culture, par exemple).
La phase de cyclage (contrôlée par observation successive du pic de nitrite puis de la montée des nitrates) installe les bactéries utiles à la transformation de l’ammoniaque produit par les poissons. Par construction du module, il y a 4 cm de graviers non inondés en surface.
Remarque : pour les systèmes 100% enterrés, la surface cultivée est au niveau du sol et non surélevée. C’est le prix à payer pour améliorer la maîtrise thermique.


De la laine de mouton pour pailler le bac de culture
Le paillage du bac de culture avec de la laine de mouton sur 8 cm d’épaisseur réduit les échanges thermiques et plus particulièrement protège des rayons directs du soleil. Bon marché, 1 kg de laine coûte 0.20€ et permet de recouvrir 1 m2 de bac de culture. Cette matière est facilement déplaçable et permet de combler les trous de végétation suite aux récoltes. Posée sur des graviers secs, elle reste stable et ne se décompose pas. Cette couverture limite les amplitudes thermiques: moins de réchauffement le jour… mais aussi moins de refroidissement la nuit.


Une couverture du bassin adaptée
La couverture du bassin doit remplir six fonctions :
– être solide pour éviter tout accident avec les enfants;
– procurer un minimum de lumière aux poisson sans effet de serre sur le hublot;
– isoler fortement le bassin pour minimiser les transferts thermiques;
– empêcher les poissons de sauter hors du bassin;
– faciliter le nourrissage des poissons et la surveillance;
– s’intégrer dans le paysage.



Les quatre points clés pour la construction du module
Une fois le volume du bassin choisi:
– installer bassin et bac rigoureusement à l’horizontal et sur un même niveau. Percer les passages de tuyau à la même distance du bord supérieur en laissant 4 cm de sec.
– choisir une pompe à air à membrane qui délivre au moins 1.5 volume d’air en fond de bassin, au regard du volume d’eau . Par exemple, pour un bassin de 300 litres, au moins 450 litres d’air injectables en fond de bassin.
– choisir un diamètre d’airlift qui maximise le débit d’eau avec une sortie sous le miroir d’eau (airlift immergé). Utiliser le calculateur pour définir ce diamètre.
– installer un volume de biofiltre (bille d’argile, graviers) d’au moins 1/3 du volume du bassin, jusqu’à 1 fois le volume du bassin.

Performances
Un bassin de 500 litres va produire sans forcer 20 kg de truites par an et 15 à 30 kg de légumes selon la surface de culture installée. Pour cela, il faut prévoir un sac d’aliment de 20 kg à l’année si l’on ne donne pas d’aliment naturel, et une consommation électrique qui avoisine les 96 kWh par an (Pompe à air de 11 watts; 19 €). Soit 4.8 kWh par kg de truite produit. En intensifiant la production piscicole de truites portions, avec 25 kg de chargement par m3 toute l’année et une alimentation à 1% du poids vif, il est possible d’approcher les 40 kg de production pour un bassin de 500 litres pour la même consommation d’énergie. Et donc d’atteindre les 2.4 kWh par kg de poisson produit.
Un bassin de 70 litres permet de maintenir des vifs tout au long de l’année pour les pêcheurs de carnassiers, pour 17 kWh par an (Pompe à air de 2 watts ; 3 €). Avec quelques aménagements, on peut également l’utiliser pour la phase d’incubation d’œufs de salmonidés.
Côté température, ce module de 70 litres n’a pas dépassé les 24°C en été 2022, sans refroidisseur. Et équipé d’une zone de refroidissement nocturne, la température de l’eau est restée en deçà des 21°C. (sur modèles de 70 litres et 500 litres)


Prix de revient d’un module en autoconstruction
Module avec bassin de 500 litres: 260 € à 330 €
(soit 520 € à 660 € pour une installation avec deux bassins)
- 1 cuve de 500 litres : 60 €
- 1 bac 50 litres +2 seaux : 15 €
- 2 m de tuyau en 63 mm : 5 €
- 2 coudes 63 mm : 4 €
- 4 passe parois (uniseal ) : 16 €
- Tuyaux d’amenée d’air+ robinets : 5 €
- 1 pompe air (besoin de 750 litres à 0.75m) : 50 € (120 € si pompe avec autonomie de 9 heures)
- 12 parpaings de 10 x 25 x 50 cm : 12 €
- 6 m2 de bâche bassin PVC 0.5 mm : 15 €
- 0.5 m3 de graviers 6-10 mm : 25 €
- 1 plaques isolantes 120 x 60 cm; 40 mm : 5 €
- 4 kg de laine de mouton: 1 €
- Filets à oiseaux : 10 €
- Bois pour bardage: 30 €
- Divers (visserie) : 7 €
Module de démonstration avec bassin de 70 litres: 80 € à 120 €
- Un bac plastique alimentaire 70 l: 12 €
- Un second bac plastique alimentaire 50% plus petit 35 l: 8 €
- Un bac plastique pour installer les filtres: 8 €
- 1 m de tuyau diamètre 25 mm et 2 coudes 90°: 10 €
- Une pompe à air: 26 € (66 € si modèle avec batterie et 9 h d’autonomie)
- 2m tuyau 6 mm: 1 €
- 2 sacs de graviers: 5 €
- 2 bouteilles plastique de récupération et un filet emballage: 0 €
- Bois pour bardage: 10 €
Autres versions à partir de ce module de base
Déclinable en différents volumes de bassins, une version hors sol sur terrasse est possible avec un bardage bois et 15 cm d’isolant. Nous verrons dans un autre article, une seconde version d’étude, enrichie d’une zone de culture découplable et d’une zone de refroidissement nocturne également découplable.
Bonjour M. Goudeau,
J’ai l’intention de commencer un système aquaponique minimaliste pour me faire la main, avant de réaliser un ensemble plus familial. Vos articles tombent à point et merci pour leurs qualités. Pour ce début, je compte prendre des anguilles (poisson moins exigeant)
Pour le procédé airlift, faut-il entailler ou réaliser de petits trous dans le bas du tuyau ? SVP merci pour votre réponse.
Bien à vous,
Jean-Luc B
Bonjour, les petits airlifts réalisés avec des tuyaux moins de 34 mm de diamètre intérieur, n’ont pas besoin d’un dispositif annulaire d’injection d’air, appelé souvent à tort « chambre de compression ». Pour le déplacement d’eau, il faut des grosses bulles. J’écarte donc l’utilisation de sucres à petites bulles, très utiles pour le transfert d’Oxygène dans l’eau. Personnellement je fais un seul trou de 6 mm à 1 cm au dessus du trou d’aspiration (tuyau souvent coupé à 45° ce qui permet de le poser sur le fond sans que cela nuise à l’entrée d’eau) et j’insère directement le tuyau d’amenée d’air, sans autres fioritures. Plus simple n’est pas possible!
Félicitations, aussi bien pour votre réalisation que pour votre partage et la qualité de votre article. Merci !
Merci pour le retour d’appréciation.
Bonsoir, Bravo pour cette réalisation ! C.est claire et précis ! Je comptes vous rendre visite à Luçon dans le courant de l.année prochaine. Un jeudi, m‘avisez-vous indiqué.
Cordialement.
Nomade Hervé