La conception d’un système aquaponique dépend avant tout, des objectifs de départ. Le projet « Truites Aquaponiques 750 litres Hors Sol (TA750HS) » s’appuie sur quelques objectifs compatibles avec un développement durable:
– Productif en poissons et légumes (au moins 30 kg de salmonidés et 60 kg de légumes en conduite extensive, pour un bassin de 0.75 m3).
– Econome en argent pour la construction et le fonctionnement (moins de 1200 € d’investissement pour un système autour d’un bassin de 750 litres).
– Econome en énergie (moins de 4 kWh/ kg de poisson produit en extensif).
– Econome en eau ( moins de 200 litres d’eau neuve /kg de poisson produit en extensif ou moins de 50 litres d’eau neuve par kg de légume produit).
– Econome en temps de travail et en pénibilité.
– Durable dans le temps et recyclable.
Voici donc l’anatomie détaillée d’un système aquaponique durable, construit autour d’un bassin de 750 litres hors sol, qui tente de répondre à ces objectifs.
Table des matières
Vidéo du système aquaponique durable TA750HS
Présentation rapide du système aquaponique TA750HS en video (2 minutes). Etat du système deux mois après le début de la construction.
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——–ANATOMIE———
Anatomie globale du système aquaponique durable TA750HS
Le système comprend 4 parties : trois éléments couplés: bassin, filtres, gravière. Et un élément découplé avec 32 pots de culture. Cette version TA750HS bénéficie du retour d’expérience sur le systèmeTA600HS construit au printemps 2023.

Un bassin isolé de 750 litres, positionné hors sol
Le bassin est à bords droits pour faciliter l’isolation. Et sans aspérités intérieures pour la sécurité des poissons. Les bassins proposés par Nego Fish Koi, par exemple, répondent parfaitement à ce cahier des charges. Et plus particulièrement le bassin de 750 litres qui offre le meilleur rapport coût/contenance. D’une profondeur de 80 cm, deux options sont possibles : l’enterrer de 20 cm et monter une structure avec 3 rangs de parpaings de 20; ou bien le poser sur le sol et l’entourer de 4 rangs de parpaings. Pour des considérations thermiques, de coûts et d’esthétique, le bassin sera enterré de 20 cm.
La pose de l’isolant
La pose de l’isolant autour de la cuve commence par la suppression des butées externes. Ceci de manière à pouvoir insérer l’isolant sous le rebord de la cuve, lors de la pose des volumes qui vont habiller jointivement la cuve. La suppression de ces butées d’empilage n’a aucune incidence sur la rigidité du bassin.

L’isolant choisi est du polyuréthane de 82 mm d’épaisseur avec un R de 3,7. Panneaux de 120 cm x 100 mm. Les 29 douelles sont découpées avec un angle de 6.2° sur chaque face. La forme est trapézoïdale. La longueur des douelles est de 80 cm. La largeur en partie haute est égale au diamètre supérieure de la cuve augmenté de 2 épaisseurs d’isolant, multiplié par 3.14 et divisé par 29. Idem pour le calcul de la largeur de la douelle en partie basse. Des entailles sur le haut de la douelle permettent d’encastrer le bord du bassin dans l’isolant. Une fois les douelles assemblées côte à côte, jointives entre elles et avec la cuve, plusieurs tours de film d’emballage maintiennent le tout en place.
Détail des calculs pour une cuve lambda:
– Diamètre extérieur supérieur (Ds) : diamètre supérieur du bassin + 2 fois l’épaisseur de l’isolant.
– Diamètre extérieur inférieur (Di) : diamètre inférieur du bassin + 2 fois l’épaisseur de l’isolant.
– Circonférence supérieure extérieure (Cs) : Ds x 3.14
– Circonférence extérieure inférieure (Ci) : Di x 3.14
– Nombre de douelles (n) : Cs/largeur douelle cm= n. Rechercher une largeur voisine de 20 cm et correspondant à un nombre entier de douelle.
– Calcul de l’angle de découpe (A°): 360°/n/2=A°
– Calcul de la largeur haute de la douelle (Lh) : Cs/n
– Calcul de la largeur basse de la douelle (Lb) : Ci/n
– Tracer sur la plaque les trapèzes de chaque douelle avec Hauteur = hauteur de la cuve, Optimiser la disposition des douelles pour minimiser les pertes.
– Découper avec un angle rentrant de A°. Là, ça se complique: si scie à ruban, facile; si scie sauteuse, assez facile si la lame est assez longue; si découpe à la main, difficile.
– La dernière douelle est ajustée pour combler le dernier trou.
– Attacher le tout avec une sangle le temps de dérouler quelques épaisseurs de film d’emballage.




Les parpaings préférés au bois pour un système aquaponique durable dans le temps
Une zone de 338 x 150 cm, parfaitement aplanie et horizontale, avec un sol bien tassé, accueille l’installation aquaponique. La cuve est enterrée sur 20 cm de manière à ce que 3 hauteurs de parpaings 50 x 20 x 10 affleurent le haut de la cuve. Du sable garnit le fond du trou pour protéger la cuve et pour obtenir une horizontalité parfaite. Remarque : si on ne peut pas enterrer, il faut rajouter un rang de parpaings sur l’ensemble de la construction et isoler le fond de la cuve.

Une plateforme constituée de 30 parpaings de 50 x 20 x 20 cm accueille les filtres et la gravière. Ce qui représente une surface de 2 m par 1.5 m.

Puis deux rangs de parpaings de 50 x 20 x10 cm délimitent les compartiments filtres et gravière.

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Isolation et passe-parois
Enfin, des plaques de polyuréthane de 55 mm d’épaisseur (R=2.7) isolent Les compartiments filtres et gravière sur les côtés et le fond. Deux épaisseurs d’isolant séparent la zone filtre en deux parties.


Une fois l’isolant posé, les trous nécessaires pour la circulation de l’eau sont percés avec une scie cloche béton. Tous les trous sont percés à -10 cm (centre du trou), exceptés le retour de la gravière et la vidange du filtre, percés à – 29 cm. Positionner le trou pour éviter de percer dans une jonction entre deux parpaings, ou dans une cloison intérieure. Les amenées d’eau sont percées pour des tuyaux de 40 mm. Les tuyaux de retour gravitaire sont en 50 mm. Donc, toute la circulation d’eau se fait sous la surface de l’eau, par le principe des vases communicants, notamment mis en œuvre par Sébastien Ladrange, sur le site aquaponique professionnel de Mafate à la Réunion. (video des Sourciers, voir à 4:00). Cette option permet de maximiser l’efficacité des airlifts.


Pose des bâches
Les passe-bâches sont collés sur un tuyau pour constituer les passe-parois. Etre méticuleux sur le collage, car une fois posés, ils ne sont plus démontables. Il ne doit pas y avoir la moindre fuite. Le passage sur la cuve se fait avec deux joints uniseal de 40 et 50 mm.

Puis les bâches sont installées, les compartiments remplis d’eau et les flasques des passe-bâches vissées.

Les deux airlifts sont mis en service. A ce stade, il ne doit y avoir aucun suintement nulle part.
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Gestion de la ressource en air
Les quatre derniers systèmes construits sur le site « Truites Aquaponiques » fonctionnent sans pompe à eau. Une seule pompe à air, Fujimac 60, alimente en air les quatre systèmes. La distribution de l’air entre les systèmes utilise un tuyau de 20 mm de diamètre pour éviter les pertes de charge. Puis une nourrice distribue l’air, en tuyau de 9 mm, vers des bulleurs plats de 10 cm de diamètres ou des cylindres de 25 cm de long. La Fujimac 60 délivre à 0.8 m de profondeur, environ 80 litres par minute. Ceci, compte tenu des pertes de charge liées aux bulleurs, soit 4800 litres par heure ou 1200 litres par système.
Pour une première réalisation, la Fujimac 60 (280 €, 35 W, 90 l/mn à -80 cm) est surdimensionnée. Idem, dans une moindre mesure, pour la Fujimac 40 (250 €, 27 W, 50 l/mn à -80 cm). Mais cela permet des extensions ultérieures sans avoir à réinvestir dans une pompe à air. Sinon, une pompe premier prix nettement moins performante peut convenir sous réserve d’avoir au moins 20 litres d’air par minute à -80 cm. Comme la CQ 3000, 30 litres par minute à vide, par exemple (50 €, 16 W, 20 l/mn à -80 cm). Observons ici que le débit/minute/watt est très en faveur de la Fujimac 60 :
– Fujimac 60 : 2.57 litres par minute et par Watt
– Fujimac 40 : 1.85 litre par minute et par Watt
– CQ 3000 : 1.25 litre/minute et par watt
Les calculs ultérieurs des bilans énergétiques et économiques seront établis sur la base d’1/4 de Fujimac 60, ce qui correspond à la réalité locale.
Le système aquaponique durable TA700HS utilise une nourrice à 3 vannes :
– une pour alimenter le bulleur de 10 cm placé à la base de l’airlift du bassin vers les filtres.
– une pour alimenter le bulleur de 10 cm placé à la base de l’airlift du filtre vers la gravière.
– une troisième pour alimenter le bulleur cylindrique de 25 cm placé dans le bassin, sous le panier d’Hel X

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Surveillance et pilotage d’un système aquaponique durable
L’ensemble de l’installation « Truites aquaponiques », comprenant cinq systèmes aquaponiques indépendants, est surveillé par un microcontrôleur ESP32 « Maître ». Sur lequel se rajoutent un module pour l’envoi de SMS et appel téléphonique en 4G, un module d’enregistrement de données sur carte SD et un capteur de détection de coupures d’électricité. En cas de problème un appel téléphonique doublé d’un SMS alerte sur le problème en cours.
Chaque système est surveillé par un ESP32 « Esclave » qui communique par WiFi avec l’ESP32 maître. Sur l’ESP32 « Esclave » se rajoutent un capteur de pression pour détecter une panne sur le réseau d’aération et trois autres capteurs utiles pour le pilotage des ventilateurs. Un capteur de température de l’eau, un capteur de température de l’air et un capteur d’hygrométrie de l’air. Le microcontrôleur ESP32 analyse les données de ces trois capteurs pour piloter un relai. Lequel démarre et arrête les 5 ventilateurs. Un second relais met en route la pompe à eau de la partie découplée pendant une quinzaine de minutes, 6 fois par jour en été.
Dans le cas d’une réalisation unique (premier projet), ce dispositif « maître-esclave » est inutile. Seule la partie esclave est utile pour une gestion automatisée des ventilateurs. Mais cela suppose de maîtriser l’utilisation des microcontrôleurs. A défaut un démarrage manuel est toujours possible.

Surveillance de l’aération
Si le capteur de pression détecte un problème sur le circuit d’aération, l’ESP32 « Maître » reçoit un message, relayé immédiatement par SMS et appel téléphonique. L’ESP32 « Maître » reçoit également les données de températures de l’eau et de l’air, de l’hygrométrie et de la mise en route des ventilateurs, à des fins d’études et de statistiques. Ces données sont stockées sur la carte SD.

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Anatomie du bassin
Le bassin de 750 litres est rempli à hauteur de 700 litres d’eau, soit 4 cm en dessous du bord supérieur. La sortie d’eau percée en 40 mm à -10 cm (centre du trou) et le retour d’eau percé en 50 mm à -10 cm (centre du trou), sont donc totalement immergés.
Une circulation d’eau par airlift
Un airlft en 40 mm, construit avec un bulleur plat de 10 cm, placé sous cloche assure la circulation de l’eau avec un débit circulant d’1 m3 par heure. Deux coudes à 45° relient l’airlift au tuyau de sortie, afin de diminuer les pertes de charges. Voir à ce sujet, l’article pour un airlift optimisé.

Un biofiltre installé dans le bassin
Sur proposition de Guillaume Beucher, d’Aquaponia, un biofiltre prend place directement dans le bassin. Un grillage plastique, mailles 6 mm, fournit les 4 morceaux à assembler avec du fil de pêche pour constituer un panier selon le schéma ci dessous. Ce panier contenant 40 litres d’Hel X, placé au dessus d’un bulleur, contribue au traitement de l’ammoniac excrété par les poissons, en complément de la gravière. Un gros galet sert de lest pour plaquer le panier sur la paroi. Le fond est taillé en biseau pour éviter qu’un poisson mort puisse y rester coincé. Un bulleur cylindrique de 25 cm prend place sous le panier pour aérer le bassin et favoriser la croissance des bactéries nitrifiantes. Débit d’air réglé à 500-600 litres par heure.


Le couvercle aménage une lame d’air de 7 cm au dessus de la surface de l’eau. Trois ventilateurs d’1.5 watt chacun poussent l’air au dessus de l’eau lorsque les conditions nocturnes sont favorables au refroidissement.
Le bassin accueille 12 kg d’ombles de fontaine en début d’année (17 kg/m3) pour terminer un an plus tard à 25-30 kg ( 35 à 43 kg/m3). Soit une bonne trentaine de kg de poisson produit, compte tenu des prélèvements intermédiaires. Les ombles de fontaine sont nourris extensivement à 0.5% du poids vif par jour, soit en moyenne 100 g par jour (36 kg par an, ce qui nécessite 2 sacs d’aliment de 20 Kg). Avec des truites arc en ciel, il serait possible de nourrir à 0.8% – 1% du poids vif et de produire une cinquantaine de kg de poisson par an.
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Anatomie de la gravière
La gravière a une surface de 1 m2 pour 37 cm de profondeur dont 4 cm de sec. L’eau entre dans la gravière via un airlift de 25 cm de haut, 4cm de diamètre, placé dans le compartiment filtre, là où l’eau est la plus claire (la même eau qui retourne dans le bac à poisson). L’airlift pousse l’eau dans un tuyau de 1 m de long et 40 mm de diamètre, troué en12 mm tous les 5 cm. Ce tuyau est dans le prolongement du passe paroi, donc immergé à -10 cm, dans l’eau et les graviers. Cette eau traverse toute la gravière. Elle s’évacue via un tuyau similaire en 50 mm de diamètre posé sur le fond, trous tournés vers le bas pour pouvoir aspirer les boues. Pour ressortir ensuite dans la compartiment filtre, côté filtre à filet.

Choix du gravier
Le choix du gravier est avant tout économique : 0.05 €/L au lieu de 0.40 €/L pour les billes d’argile, soit une économie de 122 €. Graviers de microdiorite (non calcaire), 6-10 mm, avec une surface d’accueil des bactéries estimée à 120 m2 par m3. La couleur sombre des graviers est un avantage en automne hiver et printemps et un inconvénient en été, surtout si le soleil est susceptible de frapper la surface des graviers; La température de surface de graviers peut atteindre les 50-60 °C. Un paillage avec 10 cm de laine de mouton évite cette montée en température, tout en ne gênant pas le travail de maraîchage. Ainsi le paillage compense la perte de feuillage protecteur, lors de la récolte des végétaux.
Nettoyage de la gravière
Tous les légumes peuvent croître dans cette gravière, hormis les carottes. On prendra la peine d’extraire le maximum de racines lors de la récolte. Les vers de compost et les aselles introduits dans les graviers contribueront à minéraliser les racines restantes. Sauf accident, cette gravière ne sera pas nettoyée pendant de nombreuses années (8 ans sans nettoyage sur le TA2400).
Isolation du dessus de la gravière
Le bardage du dessus du muret en lames composites est un excellent capteur d’énergie thermique. La température de surface monte à 60° en plein soleil. C’est pourquoi il est recouvert d’un plastique blanc qui réfléchit une grande partie de cette énergie.
Les graviers sont également de très bons capteurs de l’énergie thermique du soleil avec un transfert direct vers l’eau. Mais l’ajout d’un paillage de surface, entre les cultures, avec 10 cm de laine de mouton limite grandement le réchauffement.


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Anatomie des filtres adaptés à un système aquaponique durable
Le filtre à filet
Le compartiment filtre est divisé en deux parties. Le filtre à filet, inspiré des filtres utilisés par James Rakocy à l’Université des Iles Vierges (traduire en français, partie contexte 2), utilise environ 30 filets d’emballage pour pommes de terre ou oignons, soigneusement pliés en deux, disposés côte à côte dans une cage en grillage à grosses mailles, sans fond ni dessus. Une tringle traverse de part en part tous les filets pour les maintenir en place. Ce dispositif prend place jointivement entre les deux côtés du compartiment. Les filets épousent parfaitement le fond du bac et dépassent de deux centimètres au dessus du niveau d’eau. On ajoute 200 vers de compost dans ce filtre au démarrage, lesquels vont se multiplier au fur et à mesure de l’arrivée des déjections.
Au bout d’un an (en fonctionnement extensif avec une centaine de gramme d’aliment par jour en moyenne ), les boues s’évacuent par le tuyau de vidange. Les boues sont mises à minéraliser ou bien épandues sur les pots dans la partie découplée du système. Pas de nettoyage du filtre à filet, qui reste en place.


Le filtre à graviers
La seconde partie du filtre est un filtre à gravier, constitué d’un seau percé au fond et rempli à moitié de petits graviers 3-5 mm. Ce filtre se nettoie à chaque fois que le seau déborde, indicateur de colmatage. Le nettoyage est extrêmement rapide (moins de 1 mn) et à fréquence très variable :1 fois tous les 15 jours à une fois tous les deux mois.


Cette configuration avec deux boucles de circulation d’eau permet de réduire la quantité d’eau traversant la gravière à 400 litres par heure tout en conservant un débit de 1000 litres par heure pour le bassin. En période caniculaire la circulation dans la gravière pourra être interrompue ou limitée à des renouvellements ponctuels, en coupant l’airlift alimentant la gravière. Le biofiltre du bassin sera alors suffisant avec une alimentation légèrement réduite, du fait de la montée en température de l’eau.
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Anatomie du couvercle au service d’un système aquaponique durable
Le couvercle est la partie la plus technique du projet. Il doit accueillir les ventilateurs et les protéger de la pluie, obliger l’air à circuler dans une lame d’air de 5 à 7 cm au dessus de la surface de l’eau, permettre l’accès à toutes les parties du système, être isolant, ne pas être en bois pour une durabilité maximale, réfléchir le plus possible l’énergie thermique du soleil.
Il est construit à partir de lames en composite, imputrescibles et recyclables en fin de vie. L’isolation est réalisée avec 11 cm de polyuréthane, avec entrée et sortie taillée en biseau afin de ménager une entrée et une sortie d’air, à la fois sur les bassins et sur les filtres.






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Anatomie de la partie découplée
La conception de la partie découplée repose sur une irrigation par subirrigation. Ce mode d’irrigation économe en eau, peu coûteux à construire, et très efficace, s’inscrit parfaitement dans un projet de système aquaponique durable.
Une prise d’eau propre dans le compartiment du filtre à graviers, en sortie de filtre, conduit l’eau vers un bac enterré de 70 litres. Une vanne à flotteur contrôle le niveau d’eau. Une pompe à eau d’aquarium 8w s’active pendant 15 minutes avec un programmateur mécanique ou un pilotage par microcontrôleur. Une fois par jour en hiver. Quatre à six fois par jour en été. L’eau circule donc en circuit fermé dans la partie découplée et ne revient jamais dans le système aquaponique.
Irrigation par remontées capillaires
L’eau circule dans un tuyau de 32 mm extérieur, percé de deux trous de 10 mm dans chaque seau. Ce tuyau se situe à 1 cm au dessus du fond des seaux. Un bourrelet de graviers est recouvert par un géotextile, puis 8 cm de sable et enfin 16 cm de terre. L’irrigation se fait par remontée capillaire au travers du sable puis de la terre. Le dispositif comprend deux fois deux lignes de 8 seaux, soit 32 seaux de 12 litres, qui occupent 6 m2 de sol. Les seaux peuvent être remplacés par un carré potager sur bâche avec circulation d’eau dans des cordons de graviers de 8 cm de hauteur, permettant une subirrigation du substrat par capillarité.
La couleur noire des seaux les expose à une montée en température extrême si les rayons du soleil atteignent les parois. Un cache en feutrine blanc protège les racines des plantations à partir de mi-mai.


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———-BILANS———–
Le bilan thermique de la partie couplée
Le bilan thermique de la partie couplée prend en compte les entrées thermiques sur chaque face de chacun des trois compartiments bassin, filtres et gravière. Pour une température moyenne de l’air sous abri, sur 24 heures, supérieure de 10° à la température de l’eau (canicule sévère), l’effet final sur la température de l’eau est de +1.6° si les évents sont laissés libres et de +0.8° si les évents sont fermés avec un isolant.


Le suivi de la température de l’eau au regard de la température de l’air montre un déphasage d’environ 5 heures. Le comportement thermique des deux systèmes hors sol TA600HS et TA750HS est similaire malgré des écarts de conception. Ce qui permet de disposer d’un témoin acceptable pour juger de l’efficacité des ventilations nocturnes sur le TA750HS.
TA600HS | TA750HS | |
Volume d’eau total (l) | 750 | 1050 |
Surface de gravière (m2) | 0.4 | 1 |
Surface d’eau libre (m2) | 1 | 1.6 |
Volume d’eau par m2 de surface d’eau et de gravière | 535 | 403 |
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Le bilan du système de refroidissement évaporatif
5 ventilateurs d’1.5 watt poussent l’air le long de la surface de l’eau du bassin et des filtres. Le débit à vide de chaque ventilateur est de 150 m3 d’air par heure. Le ratio « volume d’air par watt » est excellent, voisin de 100. Les pertes de charges sont importantes. La mesure du débit d’air en sortie, à l’aide d’un anémomètre, donne 400 m3 heure (33% de pertes de charge). Ces 400 m3 d’air sont projetés sur 1.5 m2 de surface d’eau pour refroidir 1050 litres d’eau au total. Soit un ratio de 1.5 m2 par m3 d’eau à refroidir (1.33 m2/m3 pour TA600HS).

L’abaissement de la température de l’eau du système se fait par convection lorsque la température de l’air est inférieure à la température de l’eau et par évaporation lorsque l’hygrométrie de l’air est basse. La consigne de ventilation est fixée arbitrairement comme suit : démarrage des ventilateurs lorsque la température de l’air – (100 -%hygrométrie de l’air)/8 est inférieure à la température de l’eau.
Par exemple, eau à 17°C, air à 20°C, H% air à 60%. (100-60)/8=5; 20-5=15; 15<17; Démarrage des ventilateurs.
Pour les mêmes valeurs de température, mais avec une hygrométrie de 84% : (100-84)/8=2; 20-2=18; 18>17. Arrêt des ventilateurs.
L’abaissement de la température des 1050 litres est comprise entre 0 et 2.5 °C par nuit, selon les conditions météo. Pour une consommation électrique de 75 W par nuit et pour une baisse moyenne de 1.25°, l’EER (Energy Efficiency Ratio), aussi connu sous le nom de COP froid (Coefficient of Performance) est égal à 20.
Effet des ventilations nocturnes du TA750HS en juin 2025
Les courbes de températures de l’eau entre TA600HS et TA750HS divergent en juin, du fait de la ventilation nocturne du TA750HS, lorsque les conditions sont favorables. Cette technique de refroidissement ne garantit pas un maintien des températures en dessous des 21°, dans le cas d’une canicule qui dure plus d’une semaine. Pour prévenir une telle situation, une solution de secours doit donc être disponible (géothermie ou pompe à chaleur réversible). En revanche, en dehors de ces situations extrêmes, elle permet de maintenir une eau autour des 18° C pour quelques watts heure consommés.

Un refroidissement de secours en cas de nécessité
Les solutions de refroidissement doivent être réfléchies et calculées dès la conception. En prenant en compte les investissements et les coûts de fonctionnement. Le tableau suivant est calculé pour le système TA750 HS qui prend 1° pour 1050 litres en une journée caniculaire (max 37°, min21°); Soit environ 1200 Wh.
La PAC de 3000 watts ne va délivrer que 1000 à 1300 watts de puissance frigorifique pour un air à 37° et une eau à 20 °. Elle va donc fonctionner 1 à 2 h par jour pour 30 jours de fortes chaleur par an. Ou 10 jours par an avec l’utilisation de ventilateurs en complément.
Si on met à part la solution avec géothermie (qui suppose d’avoir un aquifère et un puits à proximité), les investissements pour un refroidissement de secours sont très semblables. En revanche il y a des écarts sur la consommation en énergie.

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Le bilan oxygène
Le transfert d’oxygène de l’air vers l’eau, dépend de la taille des bulles, de la profondeur d’injection et du volume d’air injecté.
L’airlift du bassin injecte 300 litres d’air par heure, en fines bulles, à -80 cm. Soit un apport de 2 g d’O2/h, avec 271 g d’O2 par m3 d’air et un taux de transfert de 3%/m d’injection.
L’airlift de la gravière injecte 400 litres d’air par heure, en fines bulles à -30 cm. Soit un apport de 1 g d’O2/h
Le bulleur sous le panier d’Hel X délivre 500 litres d’air en fines bulles à 80 cm de profondeur. Soit un apport de 3 g d’O2/h
Les 1.5 m2 d’eau libre en circulation, ventilés la nuit en été, contribuent à un apport de 20 g d’O2/jour
L’apport total est de 164 g d’O2/jour.
Les besoins pour 30 ombles de fontaine de 600 grammes nourris à 0.5% du poids vif, avec un aliment à 42% de protéines, dans une eau à 19°, s’élèvent à 124 g/j. Les bactéries nitrifiantes consomment 15 g d’O2/jour. Auxquels il faut ajouter 30 g pour les vers de compost, les aselles et les bactéries hétérotrophes.
Les besoins totaux sont de 169 g d’O2/jour
Globalement, le bilan O2 est à l’équilibre. Confirmé par des mesures avec un oxymètre « low tech ».
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Le bilan nitrification
Ce système aquaponique durable fonctionne avec, au maximum, une trentaine de kilogrammes d’ombles de fontaine nourris à 0.5% du poids vif soit 150 g de nourriture par jour à 42% de protéines. 150 x 0.42 x 0.092 = 6 g de N (NH3-NH4). La surface d’accueil des bactéries nitrifiantes nécessaire pour dégrader ces 6 g, en conditions défavorables, est de 6/0.2 = 30 m2.
Les 350 litres de graviers offrent une surface développée de 120 /1000*350 =42 m2. Les 40 litres de Hel X contribuent pour 700/1000 x 30 = 28 m2
La capacité nitrifiante est donc surdimensionnée, et autorise un découplage avec la gravière en cas de canicule sévère.
Remarque 1 : sur le TA600HS, la gravière est extrêmement petite pour limiter les entrées thermiques. Mais la capacité nitrifiante est réduite en conséquence. La gravière du TA750HS est donc plus grande pour retrouver des marges de manœuvre sur la dégradation de l’ammoniac et des nitrites. Ce qui a conduit à renforcer l’isolation.
Remarque 2 : 60 litres de graviers provenant d’un système déjà cyclé, des vers de composts et un peu de boue provenant du filtre d’un autre système aquaponique, contribuent à une installation rapide des bactéries. Le système a été cyclé avec 10 ombles de 500 g pendant trois semaines (7 Kg/m3), puis passage à 30 ombles de 500 g (20 kg/m3). Montée progressive de la quantité d’aliment distribué.
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Le bilan eau neuve
L’apport d’eau neuve se limite à remplacer l’eau perdue par évaporation et par évapo-transpiration des plantes, dans la partie couplée et surtout dans la partie découplée. En hiver les pluies sur la gravière suffisent à maintenir les niveaux. En plein été, au moment ou la végétation est la plus développée sur 3 m2 plantés, le complément d’eau peut atteindre 30 litres/jour (3% de l’eau totale). Sur une année, la compensation des pertes se situe entre 4 et 5 m3. Soit environ 140 litres d’eau neuve par kg de poisson produit, ou 50 litres par kg de légumes produit. L’eau rajoutée est une eau de nappe phréatique calcaire, avec un KH de 13 qui suffit à maintenir le KH de l’installation aquaponique sans autres corrections.
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La gestion des boues dans un système aquaponique durable
Avec 100 g d’aliment par jour, soit 36 kg par an (deux sacs de 20 kg), le système produit environ 7 kg de boues sèches. Correspondant à 100 kg de boues à 7% de matières sèches (lisier) ou 60 kg de boues épaisses à 12% de matière sèche.
La présence massive de vers de compost dans le filtre à filet contribue à la dégradation des boues. Ce lombrifiltre immergé réduit la quantité de boues à traiter (abattement de 66%). Reste donc 20 kg de boues épaisses à traiter.
Ces 20 kg de boues sont extraits une à deux fois l’an, via la vanne de vidange ou avec une épuisette fine. Puis mises à minéraliser dans un fût avec bulleur selon les préconisations de Chris Pagns. Le surnageant décanté est réintroduit dans le système au bout de 10 à 15 jours. Le reste des boues (15 kg) est composté en surface sur la partie découplée du système aquaponique. Les filets ne sont pas nettoyés pour conserver la population de vers de compost.
Le nettoyage du filtre à gravier intervient aussi souvent que nécessaire lorsque l’on constate un débordement. Au plus, 1 fois tous les 15 jours. Et souvent 1 à 2 mois sans intervenir.
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Le bilan énergétique
Quatre éléments consomment de l’énergie dans le système aquaponique durable TA750HS :
# La pompe à air « Fujimac 60 » fonctionne avec une puissance de 36 watts à plein rendement. Elle alimente 4 systèmes indépendants à peu près equivalents en injection d’air :
– 1 bassin de 500 litres enterré.
– 2 bassins de 200 litres enterrés.
– 1 bassin de 600 litres hors sol.
– 1 bassin de 750 litres hors sol.
Soit environ 9 watts par système ou 80 kWh/an.
# Les 5 ventilateurs d’1.5 W fonctionnant 10 heures/jour pendant 100 jours, consomment 7.5 kWh/an.
# Un refroidisseur occasionnel 10 jours par an , 600 W , 2h/jour consomme 12 kWh.
# La pompe à eau de 8 watts de la partie découplée fonctionnant 1/2 heure par jour en moyenne, consomme 1.5 kWh/an.
# Enfin le microcontrôleur pour la surveillance et le pilotage du système TA700HS consomme 3 kWh/an.
Soit au total 104 kWh en tout et pour tout. Ce qui correspond à une puissance installée moyenne de 12 W.
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Le bilan financier
Le bilan financier de l’investissement va varier selon que c’est le premier bassin ou un bassin supplémentaire rajouté à une installation déjà existante. Il dépend également des possibilités de récupération. Et des modules annexes qui viennent compléter le système.


Les coûts de fonctionnement par kg de poisson produit comprennent l’électricité (0.6 €/ kg), l’aliment (2.5 €/kg chez le pisciculteur), l’achat des poissons (1 € pièce) et les semences pour les semis de légumes (0.4 €/kg). Soit, à titre indicatif, des charges variables voisines de 4.5 € par kg de poisson produit. La reproduction des poissons sur site et une substitution d’une partie de l’aliment par de la nourriture naturelle permet d’abaisser ce coût à 2.5 €.
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La production piscicole attendue (testée sur TA600HS)
La conduite de lot retenue est une conduite extensive. Il est possible de l’intensifier en nourrissant à 1% au départ puis 0.8%.
En janvier de chaque année, on introduit 200 ombles de 70 g (14 kg- 20 kg/m3). Nourris à 0.5%, la densité de 40 kg par m3 est atteinte au bout de 150 jours. Les prélèvements des plus gros spécimens (200 g) peuvent commencer. En octobre, il reste 80 poissons de 300 g de poids moyen. Les prélèvements se poursuivent pour maintenir un chargement autour de 35 kg/m3. En décembre il reste 40 ombles d’un poids moyen de 500 g.
Stock début : 14 kg
Prélèvement de juin à octobre : 17 kg.
Prélèvements de octobre à décembre : 12 kg.
Prélèvements de fin décembre : 20 kg.
Stock fin : 0
Production sur l’année : 35 kg
Pour obtenir le poids d’un poisson au bout de x jours; alimenté à A% du poids vif, avec un indice de croissance IC de 1,10 (l’IC varie de 0.95 en très bonne conditions d’élevage à 1.25 en mauvaise conditions)
%croissance = A%/IC PoidsFin = PoidsDébut x ((100+%croissance)/100)x.
Par exemple, un omble de 300 g nourri à 0.6% du poids vif, pendant 4 mois, avec un IC de 115 :
Croissance = 0.6% /1,15 =0.52
PoidsFin = 300 x [ (1.0052)120 ] = 560 g. Voir également une estimation du poids en fonction de la longueur.
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La production végétale attendue (testée sur TA600HS)
La production sur 1 m2 de gravière couplée est estimée à 20 kg en légumes variés/an. Mais il est possible de produire 100 kg de christophines avec 4 pieds!
La production sur la partie découplée en légumes variés (choux, laitues, radis, betteraves, fraises, concombres, melons, courgettes, tomates, artichauts, christophines,…) atteint facilement les 2 kg par pots, soit 60 kg.
Le système produit donc 80 kg en légumes variés par an sans forcer.
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——EVALUATION———
Evaluation du système aquaponique durable TA700HS au regard des objectifs de départ
Reprenons les objectifs du développement durable poursuivis dans ce projet:
Productif
« Productif en poisson et légumes (au moins 30 kg de salmonidés et 60 kg de légumes en conduite extensive, pour un bassin de 0.75 m3) » : le système construit autour d’un bassin de 750 litres produit en extensif 35 kg de poisson (60 kg en conduite intensive) et 80 kg de légumes variés.
Econome en argent
« Econome en argent pour la construction et le fonctionnement (moins de 1200 € d’investissement pour un système autour d’un bassin de 750 litres) » : investissement de 1300 € pour le système aquaponique comprenant aquaponie couplée + module découplé + enduit + pilotage électronique. Dépassement d’objectif de 8%. Coût de fonctionnement à 4.5 € par kg de poisson produit.
Econome en énergie
« Econome en énergie (moins de 4 kWh/ kg de poisson produit en extensif) » : avec 104 kWh par an pour 35 kg de poisson produit, c’est 3 kWh par kg de poisson produit. Et encore moins si on intensifie la production de poisson.
Econome en eau
« Econome en eau ( moins de 200 litres d’eau neuve totale /kg de poisson produit en extensif et moins de 50 litres d’eau neuve totale par kg de légumes produit) » : L’apport d’eau neuve est prévu pour 5 m3 par an (hors pluies). Ce qui équivaut à 150 litres d’eau neuve par kg de poisson produit ou 52 litres par kg de légume produit.
Econome en temps de travail
« Econome en temps de travail et en pénibilité » : la partie surélevée de la gravière permet de jardiner presque à hauteur d’homme (60 cm). Le nettoyage des filtres est facile et peu fréquent. La gravière est autonettoyante. Tous les éléments sont accessibles pour les travaux de maintenance. La gestion automatisée libère des taches astreignantes et le système d’alerte rassure.
Pérenne
« Durable dans le temps et recyclable » : pas de bois dans le système qui pourrit inexorablement au bout d’une dizaine d’année. Des matériaux recyclables (plastiques, polyuréthane). 1/3 des parpaings réutilisables car non maçonnés.
Bravo pour toutes ces infos, c’est super intéressant ! On voit que vous avez bien planché sur l’isolation de la cuve. Et côté mousse PU bi-composant, vous avez déjà exploré cette piste ? Je trouve que la mise en œuvre serait plus facile.
Merci pour le retour. Non, je n’ai pas utilisé la mousse PU. Pas d’avis sur le sujet.
Quel magnifique travail, et tellement bien détaillé. Merci pour tout ce temps consacré au partage de ton savoir. Amitiés, Chris
Bravo pour l’installation ! et pour la rédaction de l’article! Comme toujours, c’est très pro, détaillé, documenté, bien ordonné….
Cela fait quelques années que je lis vos articles et c’est toujours un plaisir.
Pour ma part, je ne suis toujours pas passé à l’aquaponie, mais c’est ma deuxième saison en bioponie, sous serre. Je vais peut être essayer de mettre quelques écrevisses américaines (nuisibles) dans mes bassins cet été, si j’ai l’occasion d’en attraper.
Bonne continuation !
Toppissime, comme d’habitude ! Bravo à toi Jean Claude ! A très bientôt !